Bruno Deprez

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WHO I AM:

Artiste total, originaire de Watermael-Boitsfort (Belgique), Bruno Deprez vit et travaille à Bruxelles. Plasticien, peintre, sculpteur, graphiste, illustrateur, webdesigner, music-video-mixeur. Il est diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles après des études secondaires de technique artistique, décoration & publicité à l’Institut Provincial d’Enseignement Secondaire de Wavre (Belgique).  Esprit curieux de tout, il n’a cessé de se former à toutes les techniques artistiques nouvelles : infographie, langage audiovisuel et traitement de l’image numérique, gestion, optimisation et diffusion de l’interactivité (vidéo, DVD & Internet). Malgré tout, son grand amour reste la peinture et le dessin.Ses œuvres, peintures, dessins et sculptures, sont présentes dans de très nombreuses collections privées en Belgique et à l’étranger, ainsi qu’au Museo Di Scultura Contemporanea (Fregene, Italia), au Musée d’Art moderne Religieux en la Basilique de Koekelberg (Bruxelles) et dans la collection ‘Premier’ www.artesio.art. Il a reçu de nombreux prix en Belgique, entre autres : le Prix d’Art Mural collectif «Stockel Square» (Bruxelles), Prix des Arts de Woluwé-St-Pierre (Bruxelles), le Prix de Peinture au Séminaire des Arts (Bruxelles), le Prix de Peinture de l’Académie des Arts (Gembloux) et a été sélectionné pour les Prix Hamesse (Bruxelles), Godecharle (Bruxelles), Louis Schmit en sculpture & peinture (Bruxelles). Website de Bruno Deprez : http://brunodeprez.eu/

Interview par Thierry Vissol

T. Vissol: Tu as commencé des études artistiques au lycée et avant même d’être diplômé des Beaux-Arts de Bruxelles, tu as exposé peintures et sculptures dans de nombreuses galeries. D’où te vient cette passion artistique ?

B. Deprez: Cela s’est fait assez naturellement puisque j’ai été élevé dans une famille « artistique » qui a vite perçu mon enthousiasme pour le dessin et favorisé des études de ce type. Je suis entré très tôt aux Beaux-Arts, ce qui m’a certainement ouvert aux possibilités de m’exprimer par la créativité. Je pense aussi que certains professeurs encourageaient les élèves les plus passionnés à exposer leurs travaux plus personnels.

Au début de ta carrière, tu étais considéré comme un artiste révolté, en colère, engagé dans la lutte contre les inégalités, contre la violence, le machisme, le système, etc. Et cette révolte se retrouve dans la violence formelle et chromatique (traits noirs épais, rouge sang…) de tes œuvres. Une violence qui surprend pour qui te connaît comme une personne ouverte et douce. Pourquoi cette révolte ?

Je ne sais pas trop d’où provient cette violence intérieure, mais elle est visiblement contrebalancée par ce qui transparaît sur mon visage 😉 C’est une détermination interne qui me motive et me caractérise. Je ne conçois mon existence que grâce à cette émulation.

Nombre de critiques pensent que le mariage et la paternité ont adoucit ton trait et tes choix chromatiques, qu’en est-il ? Cette révolte est-elle toujours en toi, même si mieux canalisée, comme le laissent supposer nombre de tes œuvres récentes ?

Je n’ai heureusement jamais cessé d’être révolté. Les étapes de la vie font sans doute évoluer la manière de canaliser l’énergie, sans pour autant émousser la vitalité du propos.

Il est de bon ton pour les critiques, qui n’ont jamais manqué de le faire, d’essayer de te classer dans des écoles, des styles ou de tenter de situer tes influences : l’art médiéval, l’expressionisme allemand, Dubuffet, Rouault, Willem de Kooning ou même Jackson Pollock (ce dont je doute un peu pour les deux derniers). Qu’en est-il ?

Je n’ai jamais compris pourquoi on a cité Pollock (?) même si je respecte ce type d’expression, je ne le considère pas comme une influence ! Par contre j’apprécie le travail de Willem de Kooning et le mouvement expressionniste abstrait. J’ai une affection pour l’œuvre de Francis Bacon dont j’ai vu la rétrospective qui lui avait été consacrée au centre Pompidou à Paris en 2019. Je connais bien son travail, sa vie, ses influences, pourtant ce fut un choc émotionnel absolu d’être en face-à-face avec de telles toiles! J’éprouve une émotion intime toute particulière pour sa représentation du tourment existentiel humain.

Il y a dans tes œuvres peintes ou dessinées des thèmes récurrents liés à l’iconographie chrétienne : crucifixion, pietà, Madone, Saint-Georges, etc. Tu as toi-même une vaste collection de crucifix. Pourquoi cette obsession ? Religieuse ? Spirituelle ? ou figurative de la souffrance, de l’amour, de la vie, universels ?

Il n’y a rien de religieux dans ce que je représente, même si j’ai une affection particulière pour tout ce qui touche à la représentation du christ en croix, la statuaire d’église, l’art funéraire des cimetières. Je préfère utiliser l’expression « figuration de la souffrance universelle de l’homme ».

Dans tes œuvres peintes, tu as souvent recherché le relief en utilisant divers matériaux : sable, tissus, cordes, morceaux d’objets divers… Pourquoi ?

Je pense avoir un vif intérêt pour la matière et le matériau. J’ai ce besoin du rapport au relief, au touché, à l’organique. C’est à mon sens indissociable de l’acte créatif.

Malgré les thèmes souvent dramatiques de ton travail, la tension qui y règne et souvent agresse presque le spectateur, il y a aussi une profusion de couleurs fortes, mais aussi douces, comme le rose ou l’ocre et un usage profond du blanc. Quelle est pour toi l’importance et le rôle de la couleur ?

La couleur c’est la lumière, donc la vie… J’aime cette parole poétique de l’un de mes amis : « Il y a une luminosité intense sous l’apparente noirceur de ton travail. »

Dans toute ton œuvre artistique : peinture, dessin, sculpture, mosaïque, tu utilises beaucoup de matériaux de récupération, déchets de bois, chiffons, terres viles, métal, tu dessines sur des feuilles de vieux registres comptables, papier journal, etc. Éloge de la décomposition ou promotion artistique du passé et de l’éphémère ?

Davantage sans doute promotion de l’éphémère, mais c’est vrai que la patine du temps qui passe m’interpelle aussi. Plus simplement, la récupération n’est-elle pas une préoccupation majeure dans notre société consumériste ?

Pendant une quinzaine d’années tu as quasiment abandonné la peinture (à laquelle tu es maintenant revenu) pour te dédier à l’usage artistique des nouvelles technologies, particulièrement de la vidéo, dont tu as tiré des séries de court-métrages sous le pseudonyme « moviedisaster » où, sur des musiques que tu confectionne souvent toi-même, sont animés des images et des extraits de films. Pourquoi une telle évolution ? Et qu’a-t-elle apporté à ta peinture ?

En fait je n’ai jamais véritablement arrêté de peindre ni surtout de dessiner, parallèlement aux réalisations dans le graphisme et le multimédia. Grâce, ou, à cause de ces activités, j’ai encore un peu plus élargi mon champ de vision et accédé à d’autres outils pour assouvir mon besoin vital de créativité.

Nombre de tes sculptures figurent des masques ou, en tous cas, des visages composés avec des matériaux pauvres, qui ne sont pas sans rappeler l’art africain. Hasard ou source d’inspiration ?

J’ai la sensation qu’il ne faut jamais renier ses inspirations… Et puis n’oublions pas que l’art contemporain a toujours énormément puisé dans les arts premiers ! C’est là précisément qu’est l’acte créatif essentiel à l’homme.

Sur quoi travailles-tu actuellement et quels sont tes projets ?

J’ai toujours pleins de projets, c’est ce qui me fait naturellement avancer ! Je consacre actuellement pas mal de temps au montage vidéo, sous la forme de très courts-métrages, de petits clips d’animation. J’affectionne particulièrement de manipuler les matériaux image et son, même si je ne me considère évidemment pas comme un musicien. J’aime à utiliser ce terme que je me suis inventé pour qualifier ce travail : « music/vidéo/mixeur »… Mais il y a et il y aura toujours des toiles, du papier, des sculptures… et surtout l’ivresse inexplicable que procure la sensation d’avoir de la couleur sur les doigts…